Colonie Neuville : la passion de père en fils

Gérald et Dominique Neuville – PHOTOS DAVID SAGOT

C’est à Wallon-Cappel, à quelques kilomètres d’Hazebrouck, qu’est implantée la colonie Neuville, forte de 250 sujets et placée sous l’égide de Dominique Neuville, 73 ans, commerçant à la retraite, et de son fils Gérald. Rencontre avec le père et le fils – troisième national aux internationaux de Pau en juillet et double champion général vieux et un an au cercle des internationaux d’Hazebrouck en 2020 – qui nous dévoilent quelques-uns de leurs secrets.

 

C’est peu de dire que ces deux-là « baignent dans le pigeon » depuis leur prime enfance. « Papa, je l’ai toujours vu avec ses pigeons », témoigne Gérald, chargé de clientèle, 42 ans. « J’ai toujours connu la colombophilie pour avoir accompagné pendant des années mon père aux concours lorsque j’étais enfant », souligne Dominique, pour qui, cependant, l’entrée dans la compétition se fait relativement sur le tard. Nous sommes alors en 1998 et le destin fait que le colombophile, jusqu’alors plutôt habitué aux concours de beauté colombophile, croise le chemin d’un pigeon blessé, abandonné à son sort sur le bord de la route. Il l’indique à son propriétaire, Patrick Feryn, habitant de Zuydcoote (dans le Dunkerquois), qui le met en relation avec un amateur possesseur de la souche de son paternel.

Heureuse circonstance : il ne faut pas davantage à Dominique, un peu poussé il est vrai par son fils Gérald (alors plus attiré par le sport colombophile que par les concours de beauté) pour qu’il réalise dans la foulée son premier élevage. Les premiers résultats tombent la saison suivante. Et ils sont plutôt prometteurs : un premier sur Limoges devant 750 vieux en mai 1999, à Beauvais. Plusieurs années ont ensuite été nécessaires pour constituer les bases du pigeonnier de Dominique et Gérald, arrivées aujourd’hui à un point de maturité tel qu’ils pensent désormais se consacrer exclusivement aux vieux.

 

« Ce que la lignée a dans le ventre »

 

La colonie de Dominique et Gérald est aujourd’hui notamment composée de 68 veufs, dont treize couples reproducteurs. Les
 origines ? Du Rex qui a fait premier national à Souillac (Lot) devant plus 6 500 pigeons en 1999 ; du Prince, du U2 (1er As pigeon grand fond de Martin Ravelinghen) ; des lignées travaillées depuis vingt ans et quelques récentes introductions (Paarboost, Lucky, Cheetah, Toon…).

Les femelles ne sont plus jouées par le tandem. Pas le temps pour Dominique, qui passe déjà près de quatre heures par jour à nettoyer son pigeonnier. Même si, concède Gérald, « il est bon de faire voler les femelles de temps en temps pour savoir ce que la lignée a dans le ventre. Mais c’est un travail qui a été mené par le passé. » Ils ne montrent plus non plus les femelles avant les concours, afin de ne pas énerver inutilement les mâles avant l’heure fatidique.

 

 

Leurs concours préférés ? « L’approche des 850 km » avec lâcher matinal (types Pau et Saint-Vincent) car le pigeon « fait la trotte en une fois » et « il n’y a pas de facteur chance dans les arrivées ». « On ne tient jamais compte des lâchés retardés car il est toujours possible de constater un pigeon quia été réveillé tôt du matin de bonne heure, poursuit Gérald. C’est une part d’aléatoire qu’on tente d’éviter ».

Côté entraînements, la méthode Neuville rime avec simplicité : un vol quotidien de pigeons, en matinée, sans horaire précis. « C’est en fonction de mes disponibilités, précise le patriarche. J’aime mes pigeons mais je ne veux pas être esclave des heures de repas, de repos et autres. » Les lâchers d’entraînement se font à raison de quatre avant la mise en route de la saison. Juste l’histoire d’une « remise en condition physique, de mise en place de la boussole. Mais on ne me fera pas dire que l’entraînement fait le champion. L’origine est bien plus importante en la matière. »

 

Œil vif et reins solides

 

Rien de bien sorcier également en ce qui concerne l’alimentation : « Cela se décide en fonction des saisons. A part ça, nous n’avons pas de politique spéciale. Nous faisons confiance aux firmes. Je ne vois pas trop l’utilité de faire des mélanges personnels. Pour moi, c’est encore se casser la tête pour rien. » « Il faut juste faire attention à une chose, réagit Gérald. Plus on donnera de produits, plus le pigeon sera dépendant, plus on va le fragiliser. »

 

 

Cette méthode classique, simple et pourquoi pas traditionnelle, les Neuville pensent en avoir prouvé l’efficacité à travers leurs résultats. Dont le plus marquant reste celui de Morcenx, dans les Landes, en 2003 (11e international sur 19 420 pigeons). « C’était l’été de la canicule, grosse chaleur donc et surtout un fort vent d’est », raconte Dominique, qui se targue de consulter un vétérinaire pour ses bêtes qu’en cas de problème. « Cette année, nous avons eu zéro passage chez le vétérinaire, témoigne-t-il. C’est le reflet selon moi d’un bon entretien des pigeons, des pigeonniers et de bonnes origines. »

La santé du pigeon, parlons-en. Là encore, pas de recette miracle : « Plus j’avance dans la discipline, plus je pèse l’importance de la lignée dans la santé de la bête », souligne Gérald. « C’est pour cela qu’on va, en priorité, regarder si le pigeon est costaud, s’il a cette forme de poire, le rein solide, une bonne carcasse aussi, aussi bien arrière qu’avant, ajoute son père. Et un œil vif, peu importe la couleur. Juste bien pigmenté. Un œil expressif. S’il a l’œil délavé, c’est certain, il ne fera jamais de prix de tête. »

 

DAVID SAGOT

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